TDA(H) : comprendre ce qui se passe dans le cerveau de ton enfant (et comment l’aider au quotidien)

TDA(H) : comprendre ce qui se passe dans le cerveau de ton enfant (et comment l’aider au quotidien)

Intro : « il peut… mais il ne fait pas » (et non, ce n’est pas de la mauvaise volonté)

Si tu lis ceci, c’est sans doute que tu te demandes pourquoi ton enfant peut se concentrer pendant 40 minutes sur des Kapla, mais décroche au bout de 4 quand il faut lire une leçon. Pourquoi il bouge, parle, coupe la parole… alors qu’il “sait” qu’il ne faut pas. Ou pourquoi chaque devoir ressemble à une mini ascension de l’Everest (sans sherpa, sous la pluie et avec une chaussure trop petite).

Bonne nouvelle : ce n’est pas de la paresse. Dans le TDA(H), ce qui “bug”, c’est moins l’intelligence que les systèmes d’orientation, d’allumage et de pilotage de l’attention, de l’impulsion et des émotions. Autrement dit : le cerveau sait, mais les circuits du “quand” et du “comment” n’envoient pas toujours le bon signal, au bon moment, avec la bonne intensité. Comprendre ces circuits, c’est déjà être capable d’agir mieux et de se fâcher moins.


1) TDA(H), de quoi parle-t-on exactement ?

Le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) n’est pas un “manque d’éducation” ni un “caprice”. C’est un mode de fonctionnement neurodéveloppemental qui combine, selon les profils :

- Inattention (sélective et/ou soutenue, difficulté à maintenir le cap, à filtrer les distractions),

- Hyperactivité (moteur ou interne : certains bougent, d’autres “bouillonnent” sans que ça se voie),

- Impulsivité (répondre trop vite, couper la parole, agir avant de réfléchir).

Trois présentations existent (inattentif, hyperactif/impulsif, mixte) et le tableau évolue avec l’âge : l’hyperactivité peut devenir une agitation interne, l’inattention ressort davantage au collège/lycée quand l’auto-organisation devient clé.

Le TDAH est situation-dépendant. Quand la tâche est nouvelle, motivante, urgente, ou qu’il y a un feedback immédiat, l’attention se “branche” comme par magie. Quand c’est routinier, décalé, trop long, l’attention glisse. Ce n’est pas “il ne veut pas”, c’est “son cerveau n’allume pas le projecteur”.


2) Le “câblage” de l’attention : un mini tour du cerveau, simple et utile

Visualise trois grandes équipes qui coopèrent :

  1. Le réseau d’alerte/éveil (tenir l’énergie allumée)
    Il règle le niveau d’activation (trop bas = mollesse, trop haut = agitation). Chez l’enfant TDAH, la régulation de l’éveil peut être instable : on passe de “mou” à “survolté” rapidement, surtout selon l’intérêt, la fatigue, les stimulations.

  2. Le réseau de sélection/orientation (où poser le projecteur)
    Il décide quoi regarder/écouter dans le bruit ambiant. S’il filtre mal, tout devient important en même temps (le bruit du stylo, un oiseau dehors, une bribe de conversation…). Résultat : l’enfant décroche ou saute d’un stimulus à l’autre.

  3. Le réseau de contrôle exécutif (le chef d’orchestre)
    C’est le “pilotage” : planifier, inhiber un geste, garder l’objectif en tête, changer de stratégie si besoin. Si ce chef d’orchestre est débordé, la symphonie devient cacophonie : on oublie la consigne, on part trop vite, on s’énerve, on perd ses affaires.

Pour faire tourner ces réseaux, le cerveau s’appuie sur des messagers chimiques (neurotransmetteurs), notamment dopamine et noradrénaline.


3) Dopamine & noradrénaline : le duo qui règle l’élan, le focus et la persévérance

- Dopamine : elle code la motivation, l’intérêt, l’attente de récompense, le sentiment que “ça vaut le coup”. Elle aide à sélectionner et à démarrer. Si la dopamine est basse, on sait quoi faire, mais ça n’accroche pas.

- Noradrénaline : elle optimise le niveau d’alerte et la qualité du signal (un peu comme nettoyer un pare-brise). Trop peu : on somnole. Trop : on est survolté.

Chez nombre d’enfants TDAH, les flux dopaminergiques/noradrénergiques sont plus fluctuants. D’où l’effet “ON/OFF” : hyperfocus sur un jeu (dopamine = wow !) mais déconnexion devant un exercice répétitif (dopamine = zéro). Le cerveau TDAH est intérêt-dépendant plus que volonté-dépendant.

Traduction parent : rendre la tâche intéressante, concrète, courte, à feedback immédiat est souvent plus puissant que “te concentre !”.


4) Les fonctions exécutives : frein, volant, tableau de bord

Les fonctions exécutives sont à l’organisation ce que la quincaillerie est au meuble : invisibles mais indispensables. Elles incluent :

- Inhibition (mettre un frein) : attendre son tour, ne pas appuyer sur “envoyer” tout de suite, résister à l’envie de répondre.
Chez l’enfant TDAH : le frein est plus “spongieux” → réponses impulsives, gestes qui partent tout seuls, “je sais mais je l’ai fait quand même”.

- Mémoire de travail (garder en tête pendant qu’on agit) : retenir une consigne en 3 étapes, manipuler des infos.
Chez l’enfant TDAH : la mémoire vive déborde vite → perte du fil, oublis, objets égarés, exercices commencés mais non finis.

- Flexibilité (changer de plan) : passer d’une règle à l’autre, accepter qu’il faut s’y remettre, se réorienter.
Chez l’enfant TDAH : crispation sur une idée, difficulté à décrocher d’un intérêt, frustration forte si on interrompt.

- Planification/Organisation (préparer le terrain) : prioriser, découper, anticiper.
Chez l’enfant TDAH : sur-estimation du temps disponible, sous-estimation des étapes, cahier/affaires mal tenus.

On comprend alors le fameux “il sait mais ne fait pas” : les connaissances sont là, mais la logistique mentale faiblit (surtout quand la tâche est longue, floue, peu motivante).


5) Le temps, cet élastique : pourquoi “dans 10 minutes” n’a pas le même sens

Beaucoup d’enfants TDAH ont une perception du temps plus “présente” : le futur n’est pas très palpable. Deux conséquences :

- Procrastination : tant que la tâche n’est pas proche, claire, engageante, le cerveau ne “s’allume” pas.

- Estimation foireuse : “j’en ai pour 2 minutes” (en vrai 20), “je commencerai après le goûter” (oops, c’est le soir).

Aide pratique : rendre le temps visible (sabliers, minuteurs visuels, timers qui montrent le “rouge” qui diminue), cadrer des sprints courts (5-10-15 min) plutôt que “fais tes devoirs”.


6) Émotions XXL et rejet : quand le volume est à 11

Les circuits de détection de la nouveauté, de la récompense et du danger peuvent être plus réactifs : l’enfant TDAH ressent fort, réagit vite. Ajoute une vulnérabilité au rejet (vraie ou anticipée) et tu obtiens des montagnes russes émotionnelles : on s’emballe, on s’emporte, on se braque.

Ce n’est pas “théâtral”, c’est neuro : une émotion qui monte vite + un frein qui tarde = tempête. La clé n’est pas le sermon, mais le co-pilotage : baisser l’activation (respiration, pause sensorielle), mettre des mots simples, puis revenir à froid.


7) Mouvement, “agitation” et auto-régulation

Se balancer, gigoter, mâchouiller, tripoter un élastique… beaucoup d’enfants TDAH se régulent par le corps. Ça fait du bruit, ça dérange parfois, mais c’est souvent utile au focus. Le mouvement permet de remonter l’éveil sans chercher un stimulus plus fort (bavardage, provocation…).

Astuce : autoriser un mouvement “propre” (balle anti-stress, coussin d’équilibre, élastique de chaise, crayon à clip), intégrer des micro-pauses actives.


8) Sommeil & écrans : deux variables d’ajustement majeures

- Sommeil : quand il manque, tout empire (attention, impulsivité, humeur). Or, beaucoup d’enfants TDAH ont un endormissement tardif (moteur interne élevé, pensée en carrousel). Rituels stables, lumière tamisée, routine “atterrissage”, heure fixe, lever cohérent : c’est neuro-protecteur.

- Écrans : ils suractivent dopamine/éveil. Un peu bien cadré peut canaliser ou motiver ; tard le soir, c’est un désastre pour le sommeil. Règle simple : pas d’écran 1h avant le coucher, et après la tâche “difficile”, pas avant.


9) Ce qui aide (vraiment) au quotidien — avec la logique cerveau derrière

a) Rendre la tâche agréable et motivante

Le cerveau TDAH s’allume à l’intérêt, à la nouveauté, à l’urgence, au feedback. Donc :

- Découper finement : micro-étapes (3 à 10 minutes). Chaque sous-étape = micro récompense (stickers, minute de danse, mini-pause).

- Matérialiser l’objectif : consigne écrite et visible, avec un avant/après (checklist à cocher).

- Transformer la tâche en jeu : minuteur, défi contre soi-même, “mission”, points à échanger contre un privilège réel (10 min de jeu, choisir le dessert).

- Choix cadrés : “tu commences par 3 opérations ou le problème ?”, “assis sur la chaise ou le coussin ?”. Le choix active la motivation interne.

b) Extérioriser la mémoire de travail

- Tableau/ardoise devant soi : Objectif du jour → Étapes → À cocher.

- Visuels collés au bureau : “Comment je commence un exercice ?” (1° lire, 2° souligner, 3° faire un exemple).

- Boîte “arrivées/départs” pour les papiers (à signer / rendus), trousse unique (pas 4), couleur par matière.

c) Soutien à l’inhibition (frein)

- Rituels de prise de parole (“je lève la main, je compte 3 dans ma tête”), post-it stop rouge sur la table.

- Canaliser l’énergie : balle anti-stress, chewing-gum si l’école accepte, élastique autour des pieds de la chaise (on pousse, ça bouge moins).

- Répéter en chuchotant la consigne avant de partir (“je vais au casier, je prends le cahier vert”).

d) Gestion des émotions : co-régulation puis auto-régulation

- Plan “orage” (prêt à l’emploi) : mot-clé qui veut dire “pause”, coin calme, respiration 4–4–6 (inspire 4, bloque 4, expire 6), retour aux faits.

- Après l’orage : très bref “débrief” : Qu’est-ce qui a allumé l’orage ? Qu’est-ce qui t’aurait aidé ? → 1 stratégie à tester la prochaine fois.

e) Routine devoirs : courte, stable, lisible

- Toujours même endroit (peu stimulant), même ordre (goûter → pause 10 min → devoir court → pause → devoir 2 → terminé).

- Timer visuel (7-10-12 min selon l’âge), checklist à cocher, fin annoncée (“quand le rouge est fini, on arrête”).

- Commencer par le plus “faisable” pour enclencher la dopamine de réussite, puis attaquer le morceau plus dur.

f) À l’école : adaptations simples qui changent tout

- Place loin des fenêtres/portes, consignes écrites + rappel oral, exemples modèles déjà faits.

- Découper les évaluations (2 parties), temps majoré si besoin, possibilité de répondre à l’oral sur certains items.

- Mouvements autorisés discrets (élastique, debout au fond 2 minutes), responsabilités motrices (“distribuer les feuilles”).

- Feedback rapide et positif d’abord (“Tu as bien… Maintenant, améliore…”).

g) Hygiène de base (à ne pas sous-estimer)

- Sommeil : heure stable, lumière douce, pas d’écran tard.

- Alimentation : petit-déjeuner protéiné + glucides lents (éviter le 100 % sucre qui donne un pic puis un crash), hydratation régulière.

- Bouger : sortir, sport-plaisir. Le mouvement régule l’attention et l’humeur.

h) Parentalité pragmatique (et réaliste)

- Une règle = une conséquence connue (prévisible, courte, sans drame).

- Dire ce qu’il faut faire (consigne positive) plutôt que ce qu’il ne faut pas faire.

- Louer le process (“Tu t’es remis après la pause, bien joué !”), pas seulement la note.

- Prévenir-changer de contexte avant le débordement plutôt que punir après.


10) « Médicaments : pour ou contre ? » — et la place du coaching

Tu rencontreras tout et son contraire. Ce qui compte :

- Ce n’est ni une baguette magique ni une honte. Quand ils sont prescrits et suivis correctement par un professionnel, certains traitements peuvent améliorer l’activation/filtrage (et donc libérer de la bande passante pour apprendre des stratégies).

- Le coaching parental et les aménagements restent centraux : organisation, routines, gestion des émotions, environnement… Médicament ou pas, les outils du quotidien font la différence durable.


11) Mythes express à démonter (et à garder sous le coude)

- “Il fait exprès.” → Non. Il réagit selon son niveau d’activation et ses circuits exécutifs.

- “S’il joue 2h à la console, il peut bien travailler 2h.” → L’hyperfocus d’intérêt n’est pas transférable sur commande à une tâche sans dopamine immédiate.

- “Lui mettre la pression va le réveiller.” → La pression monte l’émotion, pas la dopamine utile. On obtient plus de rejet que de focus.

- “Il n’a qu’à s’organiser.” → S’organiser est la difficulté. On outille d’abord, on exige ensuite.


12) Quand consulter (et qui) ?

- Si les difficultés impactent vraiment la scolarité, la vie sociale ou familiale,

- S’il y a souffrance (baisse d’estime, anxiété, colères fréquentes),

- Si tu te sens au bout et que la relation se crispe.

Parle-en au médecin traitant/pédiatre pour une première évaluation et, au besoin, une orientation (neuro/psy, pédopsy, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute). Un bilan permet d’objectiver les forces/faiblesses et d’orienter les aménagements.


13) Les super-pouvoirs du cerveau TDA(H) (et comment les nourrir)

On en parle trop peu, mais ils existent :

- Créativité, pensée en arborescence, intuition,

- Énergie, humour, sens de l’impro,

- Capacité à agir vite quand c’est nécessaire,

- Hyperfocus sur des passions (qui peuvent devenir des talents).

Alimente-les : projets concrets, responsabilités, sport, arts, défis choisis, occasions de réussite visible. Plus l’enfant se voit réussir, plus le cerveau associe “effort = dopamine positive”.


14) Kit express « à afficher sur le frigo »

- Avant de commencer : 1 objectif + 3 mini-étapes visibles.

- Pendant : timer visuel + mini-pause active.

- Après : cocher, valoriser le process, petite récompense symbolique.

- Émotions : plan orage (mot-clé + pause + souffle + retour aux faits).

- Semaine : rituels d’école solides, habitudes de sommeil, un moment plaisir partagé non négociable.


Mini-FAQ (rapide, utile, rassurante)

Mon enfant “choisit” de ne pas écouter ?
Non. Quand l’attention décroche, ce n’est pas un choix conscient. On cible la tâche (plus claire, plus courte) et l’environnement (moins bruyant), on ajoute du feedback.

Il comprend très bien mais se trompe sur des détails.
Signature de mémoire de travail en surcharge. Externalise : étapes écrites, surligne, vérifie avec un check “fin de tâche”.

Faut-il le laisser bouger ?
Oui, un peu, cadré. Le mouvement peut aider à se concentrer. On choisit un mouvement discret et on l’autorise explicitement.

Et les punitions ?
Elles apprennent peu au cerveau TDAH. Privilégie conséquences logiques, très courtes, et surtout enseignement d’une stratégie alternative.

Si on “l’aide trop”, il n’apprendra jamais ?
On accompagne pas à pas maintenant pour qu’il internalise plus tard. On retire progressivement l’aide quand la compétence monte.

Il peut rester 2h sur un Lego, pourquoi pas 20 minutes de lecture ?
Parce que dopamine. Lego = intérêt, feedback, réussite fréquente. Lecture = effort long, récompense lointaine. On raccourcit, on rend tangible, on récompense.


Conclusion : comprendre, c’est déjà apaiser

Quand tu sais ce qui se joue dans le cerveau de ton enfant, les comportements s’éclairent. Tu cesses de voir un “manque de volonté” ; tu vois un système d’activation à apprivoiser, des fonctions exécutives à soutenir, des émotions à co-réguler. Et là, tu passes de la lutte à l’accompagnement.

Rappelle-toi : tu n’as pas besoin d’être parfaite, tu as besoin d’être outillée. Et ton enfant n’a pas besoin d’être “comme les autres”, il a besoin d’un environnement qui lui va. Avec des ajustements malins, beaucoup de réassurance, un peu d’humour (et du sommeil 💤), vous pouvez gagner en sérénité. Promis.

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